Hey princesse, on est plus au Moyen Age.
Les
gens me voient comme une personne réservée, parfois on m’imagine timide. Ces
gens ne voient que les remparts. Je ne suis pas timide ni réservée. Je me cache
derrière un mur pour me protéger des attaques ennemies. Normal, à forces de
voir son château assaillis par les barbares de la région, de renforcer sa
défense non ?
Evidemment, ça n’empêche pas les attaques, mais ça a le mérite de mieux
protéger les zones sensibles. Le problème, c’est que les remparts ça ne garde
pas seulement les barbares à distance… Et quand on reste enfermée dans son
château, on devient vite paranoïaque, on finit par avoir du mal à reconnaître
les gentils des mauvais et on finit par ne plus rien laisser entrer. Parfois,
le poids de la solitude nous pousse à ouvrir la grille, mais on garde l’armure
sur le dos. On n’est jamais à l’abri d’une attaque surprise, d’un poignard
caché dans la chaussette.
Mais au bout
d’un moment, les autres se lassent et retournent sur le pas, fatigués de voir
leur hôte déguisé et peu divertissant. Je ne les retiens pas, les retenir
serait leur avouer que j’ai besoin d’eux, que le soir quand j’éteins les
lumières du château, j’ai peur, j’ai froid et je pense à eux. Un tel aveu
équivaudrait à retirer mon armure et leur laisser la possibilité de m’atteindre
sensiblement. Beaucoup trop risqué.
J’ai fait
l’erreur de retenir quelques visiteurs, convaincue de leur honnêteté et de
leurs bonnes intentions, parfois même malgré leur mauvaise réputation. J’ai
jugé qu’ils méritaient de rester, malgré de nombreuses mises en garde. Au
final, ces invités ce sont tous avérés n’être que des pilleurs masqués. Je me
suis retrouvée fauchée, dès lors qu’ils avaient quitté les lieux.
La paranoïa
détruit notre sens du jugement. Je ne sais plus distinguer le bon du mauvais.
Je deviens têtue, je n’écoute plus les bons conseils, je n’en fais qu’à ma tête
et j’en paie les conséquences…
Se défendre, se
protéger, prendre ses distances,… oui c’est efficace pour éviter les plus gros
coups. Le problème, c’est qu’il reste un sentiment qui devient vite plus
difficile à surmonter que la déception… A force de se cacher derrière des
faux-semblants, de ne jamais montrer ses faiblesses et de mentir, on finit par
être envahi par un sentiment de frustration. L’attitude défensive donne une
image réduite de ce que l’on est réellement, on finit par se rendre compte
qu’on passe à côté de nombreuses occasions, parce qu’on a eu trop peur. On
finit par avoir le cœur lourd de ne pas avoir assez parlé, de n’avoir pas
partagé ses sentiments. On regrette de ne pas avoir su s’exprimer au bon
moment, de ne pas avoir eu le cran de se dévoiler, quand on relit le tas de
lettres qu’on a écrites mais qu’on a jamais osé donner. Qu’est-ce que ça aurait
changé si on avait su dire les choses ?
Le pire c’est
qu’on n’est plus jugé à notre juste valeur. Les gens ne voient pas les
meilleures parties de nous même, car on ne leur en donne pas l’accès. Il ne
nous juge même pas nous, il juge celle qu’on leur montre, persuadée pourtant de
nous juger nous… Au final, tout le monde se goure, mais personne ne le sait.
« Laurie vaut
mieux que le personnage qu’elle se crée… »…Quand la prof de français en 1ère a
dit ça à mon père en réunion parents-profs, je me suis énervée. Non mais pour
qui elle se prend, celle-là? Aujourd'hui j'ai compris, qu'elle avait tout
compris. Grosse claque. Hier soir, Maman m'a dit qu'elle aimerait retrouver sa
fille. Deuxième claque.
Bordel je
demande que ça, sortir de ce foutu château poussiéreux qui tombe en
ruine ! C’est ma faute si à chaque fois que j’ai mis le pied dehors, on
m’y a re-catapultée aussi sec ? Je meurs d’envie qu’on détruise tout pour
venir me sortir de là et me montrer que c’est beaucoup mieux dehors… Mais
faudrait arrêter de tout détruire pour me laisser en plan devant les décombres,
seule à tenter de tout réparer.
...Alors
d’accord. Je vais retenter le coup, parce que je déteste abandonner. Et parce
que je commence à avoir beaucoup trop peur ici ! Je vais ouvrir la grille, je
vais sortir, sans les armes, sans l’armure et le casque. (Mais je garde le
bouclier, ok ? Un minimum s’impose : on se jette pas d’un avion sans
parachute). Mais qu’on ne vienne pas se plaindre de moi, parce que sinon, je
vais vite me fâcher ! (Et j'suis déjà pas mal en colère.)